CfP: Colloque international "Les narrateurs fous / Mad narrators"
- Ort: Bordeaux
- Beginn: 18.10.12
- Ende: 20.10.12
- Disziplinen: Literaturwissenschaft, Medien-/Kulturwissenschaft
- Sprachen: Französisch, Sprachenübergreifend
- Frist: 31.03.12
Ce colloque a pour objectif d’étudier le phénomène de la folie du narrateur dans la fiction. Si la folie des personnages a fait l’objet d’un certain nombre de colloques récents portant sur les savants fous, les femmes et la folie, la folie et l’enfermement, etc., c’est ici le cas des narrateurs fous qui nous intéresse. La folie narratoriale, qui relève du phénomène plus large de la non-fiabilité tel que l’a défini Wayne Booth, éveille le soupçon, et met en jeu une instabilité, un décalage entre la voix du narrateur et celle de «l’auteur implicite».
On pourra ainsi s’interroger sur ce qui distingue la folie des autres types de non-fiabilité – regard d’enfant, partialité du point de vue, déficience intellectuelle, dysnarration, manipulation et mensonge, analphabétisme. Il s’agira dès lors d’explorer les manifestations narratives de la démence, de déterminer ce que seraient, pour paraphraser Barthes, des «effets de folie». Existe-t-il une stylistique de la folie, des marqueurs récurrents, des façons codifiées d’exprimer la démence? Pour cerner au plus près le phénomène de la folie narratoriale, il conviendra de distinguer entre une folie explicite, immédiatement visible, et une folie esquissée comme une simple hypothèse du texte. La première situation offre une grande diversité de manifestations et de symptômes, invitant à dresser un tableau critique et clinique des narrateurs fous qui déstabilisent le lien entre réalité et représentation. On pourra penser aux récits narratifs de Beckett, où la narration porte la marque presque constante de la folie, mais encore à des romans tels que The Little Stranger de Sarah Waters, American Psycho de Bret Easton Ellis, The Naked Lunch de William Burroughs ou One Flew over The Cuckoo's Nest de Ken Kesey. On pourra également, dans ce contexte, interroger le lien entre la folie du narrateur et le genre littéraire; le fantastique et le gothique, par exemple, semblent être des asiles littéraires particulièrement bien fréquentés.
On contrastera ces récits avec ceux dans lesquels la folie n’est qu’un soupçon, une possibilité du texte, s’insinuant comme un écart intime disposé, peut-être, au sein même du discours: The Island of Dr Moreau présente ainsi un narrateur témoin, Prendick, censé raconter l’histoire objective d’un savant fou, mais il n’est pas improbable que cette folie du personnage ne soit qu’une folie écran, et que le récit porte dans ses replis une autre folie – celle, subreptice et dissidente, du narrateur. De nombreux textes peuvent ainsi donner lieu à une double lecture, «confiante» ou «soupçonneuse»: dans The Turn of the Screw de Henry James, The Strange Case of Dr. Jekyll and Mr. Hyde de Robert Louis Stevenson, Dracula de Bram Stoker, «The Tell-Tale Heart» d’Edgar Allan Poe, The Yellow Wallpaper de Charlotte Perkins Gilman, l’esquisse d’une folie aux contours incertains, sans construction d’une norme à l’aune de laquelle elle puisse être mesurée ou contenue, renvoie le lecteur à la responsabilité de ses hypothèses interprétatives et/ou de ses projections sur le texte. Ces œuvres ayant par ailleurs donné lieu à des lectures critiques très divergentes selon les époques, une étude diachronique de leur réception pourrait s’avérer intéressante.
Mais la folie peut également émaner d’un narrateur intradiégétique: il s’agirait alors de montrer comment et dans quels buts la démence déstabilise les postulats narratifs du récit premier, de s’interroger sur la nature et la portée des différends qu’elle introduit lorsque le narrateur-fou est interné dans le dispositif dominant, présentant un contre-discours minoritaire, tel Mr. Dick dans David Copperfield ou Euchrid dans And the Ass Saw the Angel de Nick Cave. Enfin, la question se pose de savoir si la folie peut s’emparer de la voix narrative dans des récits à la troisième personne; si oui, quels en sont les effets textuels? Quelle est la portée de la déstabilisation épistémologique qui en résulte?
Le colloque se prête également à une réflexion sur le cinéma. Le prototype du narrateur fou y est celui du Cabinet du Docteur Caligari (1919), où se pose la question de la projection de la folie du narrateur sur l’espace profilmique – voir Le Locataire (1976) de Roman Polanski. À la suite de François Jost et André Gaudreault, nous serons attentifs à la tension entre narration et monstration au cinéma, au foisonnement des narrateurs délégués et des niveaux de narration, jusqu’à ce «méga-narrateur» ou «grand imagier» dont la présence n’est souvent perceptible qu’à travers ces écarts à la norme du récit «ordinaire» où l’on lira peut-être les symptômes d’une certaine folie mettant en péril la continuité de la narration cinématographique et, au-delà, la stabilité du monde offert en représentation. La folie narratrice (ou narrative) à l’écran est-elle confinée à des moments et à l’utilisation de procédés précis et circonscrits (ocularisation, voix over, flashback)? On pourra interroger des exemples canoniques: The Curse of Frankenstein (Terence Fisher, 1957), Marnie (Alfred Hitchcock, 1964), Sisters (Brian De Palma, 1973). Certains genres (le thriller, le film d’horreur) favorisent-ils les narrateurs fous et l’expérimentation formelle qui est susceptible de manifester les effets de leur folie sur le dispositif de narration? Le cinéma de Guy Maddin ( Brand Upon the Brain , 2006) semble se prêter particulièrement bien à de telles analyses mais on peut aussi songer aux analyses proposées par Victor Ferenz de films tels que Memento (2000) de Christopher Nolan, Fight Club (1999) de David Fincher ou American Psycho (2000) de Mary Harron.
Les propositions de communication en français ou en anglais, de 300 mots environ, pourront porter sur la littérature anglophone, la littérature comparée et le cinéma anglophone. Elles sont à adresser, en même temps qu’un CV succinct, à narrateurs-fous@u-bordeaux3.fr avant le 31 mars 2012. Le comité scientifique se compose de: Romain Girard, Nathalie Jaëck, Clara Mallier et Arnaud Schmitt.
Publiziert von: cs