Zum Tod von Jean Véronis (1955-2013)
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Am 8.9.2013 verstarb der französische Computerlinguist Jean Véronis, der durch seine korpus- und diskursanalytischen Forschungen auch in der deutschen Romanistik bekannt war. Nachfolgend ein von seinem Kollegen Henri-José Deulofeu verfasster Nachruf:
"Notre collègue Jean Véronis, Professeur d’informatique à la Faculté des Lettres de l’Université d’Aix-Marseille, a trouvé une mort absurde au moment où il allait s’installer enfin dans des locaux à la hauteur de ses ambitions et où il avait décidé de célébrer son retour dans le monde académique, après une parenthèse dans celui de l’entreprise, par un feu d’artifice de projets nouveaux.
Un élément majeur de renouveau des humanités au tournant du siècle a été sans conteste leur rencontre avec l’informatique. Jean s’était engagé résolument dans cette voie et en a été à Aix et bien au-delà un des acteurs majeurs.
Une volonté de renouveau pour être féconde doit être appuyée sur une maîtrise de la discipline. Jean avait montré toutes ses qualités de chercheur dans sa thèse « Contribution a l’étude des erreurs dans le dialogue homme machine en langage naturel ». Sur le plan théorique, il y débusquait les faiblesses des programmes, mais il montrait aussi son souci d’articuler recherche fondamentale et action. C’est cette double compétence, traduite par de nombreuses publications, qui devait peu à peu lui valoir la reconnaissance de ses pairs. C’est ainsi qu’il a occupé pendant 7 ans la présidence de l’Association pour le Traitement Automatique du Langage (ATALA).
Quand il a été élu président de l'ATALA en 2000, Jean Veronis avait déjà acquis une solide réputation internationale, grâce à ses travaux sur les ressources lexicales multilingues, dans le cadre du projet MULTEX et son implication dans la campagne d’évaluation ROMANSEVAL. Très vite, Jean a su prendre des initiatives importantes pour l'ATALA, comme, par exemple, celle de transformer la revue Traitement Automatique des Langues, alors publiée par Hermès, en une revue électronique diffusée de façon libre et gratuite. Cette initiative montre l'importance toute particulière qu'il accordait à la libre diffusion du savoir via Internet. C'est dans ce même état d'esprit qu'il a créé le blog AixTAL, qui l'a rendu célèbre en dehors du monde académique. Ce blog a permis de vulgariser les recherches menées en Traitement Automatique des Langues, par exemple en étudiant les mots employés par les hommes politiques. L'ATALA peut s'enorgueillir d'avoir eu un président qui a eu à cœur de faire comprendre au grand public quel était l'objet des recherches menées par ses membres.
On peut maîtriser des contenus encore faut-il faire passer le message devant les étudiants. Que ce soit en présentiel ou dans l’enseignement à distance, tous ses étudiants ont gardé le souvenir d’exposés clairs et d’une pédagogie mûrement élaborée.
Chercheur, enseignant et gestionnaire, à ce niveau, cela suppose des qualités personnelles exceptionnelles. Qu’on me permette à cet égard un témoignage personnel. J’ai pu en apprécier l’étendue dans les travaux que j’ai menés avec lui lorsque, devant l’importance cruciale que prenait l’informatique dans la linguistique de corpus, il prit la direction de l’Equipe DELIC qui succédait au Groupe Aixois de Recherches en Syntaxe, succédant à Claire Blanche-Benveniste. Au cours de cette période de trois ans, Jean fut l’artisan principal de la réalisation de deux corpus outillés dont un dans le cadre du projet européen C-oral-rom, qui propose à la communauté des romanistes d’importants corpus oraux alignés dans 4 langues romanes. Ce fut une belle expérience que de rédiger avec lui le chapitre sur l’exploitation du corpus français dans un ouvrage publié par Benjamins en 2005. Le second corpus, financé par la DGLF, aligné son-texte et pourvu d’un concordancier évolué, reste encore le meilleur outil à la disposition des chercheurs sur le français parlé. Parallèlement à ces entreprises d’envergure, Jean a publié avec les collègues et doctorants de DELIC : André Valli, Mireille Bilger, Sandra Teston, Christophe Benzitoun.
Puissance de travail, souci du travail d’équipe incluant les étudiants, efficacité dans la rédaction, c’est bien là une manifestation concrète et vécue par nous de la volonté de renouveau que j’évoquais tout à l’heure.
Après avoir contribué à dynamiser la recherche en linguistique fondamentale, c’est l’aspect frondeur de son caractère et l’envie de pousser jusqu’au bout son esprit d’entreprise qui allait l’amener vers d’autres horizons. Nous avions perdu un partenaire créatif dans nos recherches un peu austères de syntacticiens. La sociolinguistique nous l’avait enlevé avec l’attrait de l’exposition médiatique. Avec Louis-Jean Calvet, il a produit des analyses du discours politique à la méthodologie rigoureuse inspirée de ses recherches en statistiques lexicales complexes. Les livres à succès issus de cette collaboration et les textes publiés sur le blog sont des exemples de bonne vulgarisation et manifestent une orientation originale : ils ne critiquent pas une idéologie au nom d’une autre, mais ils montrent qu’une méthode objective peut dévoiler à partir de leurs mots mêmes l’idéologie diffusée par les communicants dans les discours qu’ils font prononcer aux marionnettes politiques. Au lecteur de faire bon usage de la vérité des chiffres. Aux entreprises aussi de profiter des techniques de la fouille des données quand Jean a décidé de valoriser ses recherches et d’ajouter à ses titres celui de chef d’entreprise et de consultant de haut niveau.
Nous rendons donc sans réserve hommage à sa volonté de s’inscrire au bout du compte sous une forme contemporaine dans la lignée des intellectuels engagés.
La reconnaissance médiatique n’est-elle qu’une satisfaction narcissique ? On ne peut la dissocier dans le parcours de Jean de l’idée que ces incursions dans le monde peuvent être réinvesties dans la formation et la recherche de débouchés pour nos étudiants.
Quoi qu’il en soit, son projet de rénovation des enseignements d’informatique pour littéraires était nourri de cette riche et diverse expérience intellectuelle et humaine qu’a été sa vie. L’équipe qu’il avait construite avec autorité faite de compétences complémentaires saura surmonter la perte immense que ses membres doivent ressentir pour continuer l’œuvre en gardant présente à l’esprit la recherche d’innovation permanente de son fondateur.
Henri-José DEULOFEU
Professeur émérite de Linguistique Française
Université d’Aix-Marseille"
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